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Pour nous qui provenons de l’espoir d’après guerre, ce n’est pas notre devoir de mémoire que de se souvenir de ce qui s’est passé le 16 et 17 juillet 1942. Non ! c’est juste rester digne d’être un homme (et je n’ai pas besoin de le décliner au féminin, « homme » car c’est de notre humanité dont il est question ici.
C’était non pas, il y a 79 ans, mais hier, dans la nuit, les enfants dormaient, certes que d’un seul oeil en ces temps d’occupation .
Et soudainement, comme une salve à bout portant, on a entendu pleins de bruits qui remontaient de la rue, des portes qui claquèrent, des voix de femmes et d’enfants qui déchiraient la nuit, des cris qui présageaient du pire.
Et puis redoublèrent, après quelques instants, des bousculades dans les étages, des cris plus stridents d’enfants épouvantés, des grosses voix d’hommes, avec laquelle, comme des coups de bâtons, ils assénèrent des ordres.
Cette pagaille nous fit soudainement réaliser, en nous regardant d’un air hébété, car nous étions tous levés, les cinq frères et soeurs, en train de réaliser qu’il se produisait quelque chose de grave dont aucun d’entre nous n’osait imaginer ce qui allait se passer
Notre père qui avait vaguement oui-dire d’une rafle, c’était finalement rangé du coté de ceux qui pensaient que ce ne serait pas possible Quoi qu’il arrivasse, on ne viendrait jamais chercher les femmes et les enfants. Seuls les hommes pouvaient être recherchés.
D’ailleurs le premier réflexe qu’eut notre père, fut d’aller se cacher sous le lit, en nous disant, « vous direz poliment à ses messieurs, que votre père est parti en voyage, n’ayez crainte, ils ne vous feront aucun mal. Ils vous croiront et repartirons, « . Ces paroles nous rassurèrent et nous avions continués à finir de nous habiller, en restant confiants
Je dois vous confier que notre père est resté tout le temps sous le lit, car il ne savait pas, et je lui adresse tout mon amour car j’espère qu’il n’a pas trop souffert quand il s’est retrouvé seul.
Notre mère, qui a toujours eut un comportement exemplaire envers nous, ses enfants, tirant sur la ficelle pour joindre les deux bouts quand notre père, grand joueur de cartes devant l’éternel, rentrait à la maison, les poches vides.
C’était une femme totalement dévouée à nous, ses enfants et à celui qu’elle tenait pour le chef de famille. D’ailleurs elle lui était soumise, comme cela se passait ainsi pour les épouses selon la tradition des juifs orthodoxes. Elle se mit à prier, tout en se hâtant à ranger la maison comme si on allait recevoir des invités.
A fur et à mesure que les cris, les pas, les bousculades se rapprochaient avec violence d’étage en étage ( nous habitions un 5ieme de la rue Crozatier, un quartier où vivaient beaucoup de juifs comme nous qui avaient fuis les pogroms et autodafés des pays d’Europe centrale), une certaine angoisse finissait par nous prendre à la gorge.
Nous ressentions cette ambiance d’autant plus bizarrement, que nous avions eut un moment d’allégresse et de joie deux jours auparavant, lors de la remise des prix lors de la fête du 14 juillet. Oui, nous avions été si reconnaissants envers nos maitres d’écoles et fiers pour nos parents qui plaçaient en nous, tant d’espérance. On étaient tous repartis avec des prix d’honneur ou d’excellence, des livres pleins les bras.
Mais en l’espace d’un temps si court et fulgurent, tout a basculé, de cette France qui nous avait offert l’hospitalité, nos instituteurs que nous aimions tant, cette nouvelle vie qui nous était si prometteuse, ce rêve dans lequel nous croyons mordicus est devenu un cauchemar. On se serait, tous, pincés sur tout le corps, pour s’assurer qu’on n’était pas encore enfouis dans un profond sommeil dont on serait sortis en se disant « pourvu que c’était pas vrai »[/et_pb_text][/et_pb_column][et_pb_column type= »1_2″ _builder_version= »4.9.7″ _module_preset= »default »][et_pb_divider show_divider= »off » disabled_on= »on|on|off » _builder_version= »4.9.9″ _module_preset= »default » width= »200px » min_height= »290px » custom_css_main_element= »float:left; » custom_css_main_element_last_edited= »on|phone » custom_css_main_element_tablet= »display:none; » custom_css_main_element_phone= »display:none; »][/et_pb_divider][et_pb_text _builder_version= »4.9.9″ text_font= »|600||||||| » text_font_size= »20px » text_line_height= »1.75em » background_size= »initial » background_position= »top_left » background_repeat= »repeat » text_orientation= »justified »]
Et bien si, cette horreur eut lieu, elle a bien existé, on ne dormait plus, et même que la fatigue se faisait encore sentir, des hommes que je ne saurai décrire, tant de leur corps opulent et de leur visage grimaçant, ils braillèrent des mots que j’eus du mal à comprendre.
Ils étaient trois, et chacun d’entre eux se mit à nous agripper par la manche, sans nous donner la moindre explication, à moins que j’ai oublié dans la précipitation, nous poussant sans aucun égard dans les escaliers, avec une telle détermination et indélicatesse que j’ai cru qu’ils nous prenaient pour des sacs de pommes de terre, qu’ils jetaient à la cave . Et encore !
La suite reste pour moi un mystère, je resterai jusqu’à la fin des temps avec mes questions. Car tout cela reste incompréhensible. Il a du me manquer des explications.
Ils nous ont parqués dans un grand espace où des milliers de juifs comme nous, principalement des femmes et des enfants, se trouvaient sans avoir ni à boire, ni à manger, ou si peu, sans toilette pour se laver, sans un endroit pour faire nos besoins, quoi ! juste des bancs où se poser et même pour dormir.
Cela dura quelque jours, cela m’a paru terriblement long, j’ai vécu les pires jours de ma vie, oui, à présent je prends la parole, au nom de mes frères et soeur et de ma maman, parce que je suis un grand Garçon, non ! un petit homme, j’ai 13 ans, l’âge de la Bar Mitzva que je n’aurai pas eu le temps de passer, mais ce qui va suivre, je suis sur que vous approuverez, m’a fait précipitamment entrer dans la peau d’un adulte…même pour si fut pour si peu de temps.
Je me nommais Sigfrid, j’aurai voulu être médecin, mais les hommes violents qui vinrent nous chercher, m’en ont empêchés car après ce grand hangar où les gens finissaient par pleurer et hurler dans tous les coins, ce qui s’est passé après, je ne pourrai pas vous le raconter.
Et ce serait trop dur pour mon neveu qui en train d’écrire ce texte en souvenir de ce qui s’est passé, car lui le sait, et il a raison d’avoir la pudeur de se taire. Et puis, je le sens prêt à s’effondre en sanglots sur son clavier. Je ne veux pas qu’il est mal, cela suffit comme ça.
Je ne veux pas non plus qu’il raconte ce qui s’est passé dans le train, ce qu’on a fait de nous et en arrivant je ne sais où, je sais que la vie s’est arrêté pour nous tous, dans des conditions que je n’aurais pu concevoir, même Herzi, féru en imagination, que je n’ai pu connaitre, n’aurait pas pu l’imaginer
De l’endroit maintenant, d’où je vous parle, que je vous laisse découvrir quand le moment sera venu, pour vous, de me rejoindre, je veux vous dire combien la vie est belle, et que je l’ai tant aimé, le peu de temps que je fus sur terre parmi l’humanité, alors ne la gaspillez pas.
Profitez en, en faisant le plus de bien possible autour de vous, en vous en donnant l’occasion, et ne m’oubliez pas, ne « nous » oubliez pas….souvenez vous de notre message…
la vie est si belle, que nous, tous les déportés, (de tous les âges et religions), nous vous supplions d’interdire à quiconque de vous la voler, « votre vie » comme ce fut le cas pour nous….avec une telle violence et si injustement.
Car nous étions des juifs, égaux à tous les être humains, et nous voulions vivre en compagnie de tous les autres hommes en paix et en fraternité.
Herzi
Jean Claude Bresler
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